Le samedi 23 novembre 2024
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Après le Tiers-Monde le Tiers Bête… Bonne Année de la Biodiversité !

5 janvier 2010

Je viens de me faire une nouvelle amie. C’est une belle Africaine qui se nomme Malaika. Si vous faites partie des quelques 350 millions d’abonnés de Facebook, où de ces autres plateformes sociales que sont Twitter ou MySpace, vous devinerez aisément comment ça s’est passé. J’étais tout bêtement en train de prendre mes messages et d’explorer je ne sais plus quel site, et là je l’ai vu… WOW! Oh, j’aurais pu tomber sur une de ses compatriotes; Elsa, Siatu, Kabandize ou Mukiza, mais c’est elle qui m’est tombée dans l’œil. Je lui ai donc fébrilement adressé une demande d’amitié.

Non, mais si je ne m’attendais à être mis en contact avec une jeune gorille d’Afrique dont la survie est menacée. Eh oui, sur Facebook! Comme quoi dans la jungle qu’est devenu internet, la distance et nos « différences » n’ont vraiment plus d’importance. Après tout, hommes et gorilles font partie d’une même famille, celle des primates certes, mais surtout celle des vivants. Cela dit, cette heureuse « rencontre » je la dois à l’Ouganda Wildlife Authority (UWA), et à son programme d’adoption « Friend-a-Gorilla » (https://www.friendagorilla.org). Je sais que l’Ouganda n’est pas à la porte, mais en cette belle journée d’hiver, vous ne m’en voudrez pas j’en suis sur, de vous entraîner dans cette torride histoire de protection de la biodiversité.  Car oui, c’est de diversité biologique, dont j’ai envie de vous parler… Si on veut ainsi de par le monde, mieux faire connaître ces gorilles de montagne, c’est pour ensuite mieux les protéger, car l’espèce est véritablement en danger critique d'extinction. La moitié de la population (360 individus) vit en effet dans la forêt impénétrable de Bwindi en Ouganda, et sa survie serait bien incertaine sans cet astucieux programme de parrainage et de conservation, à des fins écologiques, humanitaires, économiques et touristiques.

Bon, j’entends la chorale des objecteurs de conscience qui s’anime et s’égosille, et pas du tout sur l’air d’un cantique de Noël « Ça a-tu du bon sens de parrainer des animaux alors qu’il y a tant d’enfants humains dans le besoin? Pourquoi ne pas donner par exemple à Vision mondiale? » Eh bien Mme Moquin, je vous dirai que c’est un faux débat. Rien en effet ne vous empêche, si le cœur vous en dit, de donner à l’un et à l’autre. Car si le gorille est sur la liste des espèces en voie de disparition, l’homme aussi pourrait bien à son tour s’y retrouver, s’il continue son œuvre d’autodestruction… Et puis je sais très bien qu’il n’est nul besoin d’aller au bout du monde pour protéger notre biodiversité. Ici aussi au Québec cette sauvage menace nous touche en plein cœur. 38 espèces d’animaux (du Chevalier cuivré, en passant par la Tortue luth et le Râle jaune) (https://www.mrnf.gouv.qc.ca/faune/especes/menacees) et 59 espèces de notre flore sauvage, de l’Orme liège au Pin rigide en passant par le Chardon écailleux, sont classés menacées ou vulnérables. (https://www.mddep.gouv.qc.ca/biodiversite/especes/index.htm) Le pire, c’est que plus d’une centaine d’autres espèces d’animaux et de végétaux est susceptible d’y être ajoutée dans un avenir plus ou moins rapproché. Non je vous le dis, le tiers-bête gagne du terrain. Quoi ? Vous ne connaissez pas le tiers-bête ?

La liste rouge 2009 de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’inventaire mondial le plus complet sur l’état de conservation des espèces végétales et animales (https://www.uicn.fr/Liste-rouge-2009.html), révèle qu’à ce jour, plus d’une espèce sur trois, précisément 17291 des 47677 espèces répertoriées, est menacée d’extinction. Après le tiers-monde place donc au tiers bête. D’autant plus bête que le diagnostic est clair, on ne pourra tristement pas enrayer la perte de la biodiversité en 2010, comme le prévoyait pourtant l’objectif fixé par la communauté internationale. Et dire que 2010 avait justement été décrétée « Année internationale de la biodiversité » par l’ONU. Snif et ReSnif! Portrait d’une hécatombe appréhendée? Le portrait 2009 de l’UICN révèle que 21 pour cent de tous les mammifères, 30 pour cent de tous les amphibiens connus, 12 pour cent de tous les oiseaux, 28 pour cent des reptiles, 37 pour cent des poissons d’eau douce, 70 pour cent des plantes, 35 pour cent des invertébrés répertoriés à ce jour sont menacés, de disparaître à jamais.

L’enjeu très médiatisé des gaz à effet de serre et du réchauffement climatique a beau être primordial, cela prouve bien qu’il y a et qu’il y aura toujours d’autres urgences planétaires qu’on ne devrait pas négliger pour autant.  Une fois de plus, une bonne cause n’empêche pas l’autre et ne devrait jamais nous faire perdre notre vision d’ensemble. Rappelez-vous = Pensez globalement, agir localement ! À ce sujet « nos » omnipotents maîtres du monde, hommes d’affaires et politiciens, ont raté le bateau. Pourtant on parlait ici capital, de notre réel capital, pas d’argent, mais de véritables richesses, de capital vivant. Ils n’ont pas compris que la vitalité de plusieurs secteurs économiques, de « leur » sacro-sainte économie,  dépendait de la santé des écosystèmes et de la biodiversité. S’ils avaient eu conscience dans un beau moment de lucidité, que la vitalité de plusieurs secteurs de « leur » économie comme l’agriculture, le tourisme, et la foresterie dépend justement de cette biodiversité, ils auraient dû mieux la défendre. Faut croire que c’était trop difficile à comprendre pour eux. Il aurait fallu j’imagine que chaque canard Arlequin plongeur ou que chaque Salamandre sombre des montagnes (un oiseau et un batracien menacé au Québec) puisse voter pour eux ou acheté leur produit.

Bon je généralise et je ne devrais pas, car certains bons coups de nos élus auront un bel impact sur la sauvegarde de la biodiversité, tout comme d’ailleurs plusieurs initiatives de citoyens et d’ONG (organismes non gouvernementaux) sont porteuses d’espoir. Heureusement qu’il y a des alliés à la cause partout. La décision du gouvernement québécois de porter à plus de 135 000 km, la superficie de nos aires protégées, est en ce sens une des bonnes nouvelles de 2009. On a en effet réussi  a dépasser par une longueur de nénuphar l’objectif théorique du 8 % du territoire dorénavant protégé. Je vous rappelle cependant  que selon les souhaits de la Commission Coulombe, ce n’est pas 8%, mais plutôt 12 % du territoire qui aurait dû être protégé à ce jour, afin d’atteindre les normes internationales. Bon ! Faudra attendre 2015 semble-t-il pour y arriver, en espérant que la nature puisse encore patienter dans les corridors de l’urgence.

Et puisque le débat dépasse largement le territoire québécois, ce que je souhaite vraiment peut être bien naïvement, c’est que dans une véritable stratégie pancanadienne, si ça se peut encore, on en arrive dans la même foulée à mieux protéger notre forêt boréale. Car l’enjeu là aussi est de taille,  puisque trois milliards d'oiseaux terrestres, aquatiques et de rivage s'y reproduisent chaque année, sans compter 85 espèces de mammifères, comme le  caribou des bois, le grizzli, le loup, le lièvre d'Amérique et le lynx du Canada. Et puis il y a des richesses de la boréale qui sont encore insoupçonnées, bien au-delà de la faune et de nos si imaginatives planches de 2 X 4. Le gourmand que je suis découvrait avec bonheur il y a quelques mois, de nouvelles épices, herbes et tisanes provenant de la boréale (https://www.dorigina.com) et mis en marché depuis peu par la Coopérative forestière de Girardville au fin nord du Lac St-Jean. Je ne sais pas si la délicatesse de gadelle sauvage, le poivre des dunes ou les graines de myrica, désormais disponibles dans quelques grands centres, deviendront un jour aussi populaires que le sel et le poivre, mais si on peut ainsi, par le ventre, se rallier de nouveaux défenseurs de la boréale, tout le monde y gagnera.

Et puis il y a cette multitude d’actions plus locales ou régionales qu’on se doit de soutenir directement ou par le biais du formidable effort de notre Fondation de la Faune du Québec.  C’est le cas de ce qu’ont entrepris avec ferveur les militants citoyens de Attention FragÎle (https://www.attentionfragiles.org/index.php?p=peril) qui se battent depuis 22 ans contre vents et marées, pour laisser en héritage un environnement de qualité aux Madelinots. L’ornithologue amateur que je suis apprécie particulièrement tous les efforts consacrés par les insulaires afin de protéger du tourisme et des amateurs de quad, entre autres,  notre pluvier siffleur pour qui Les Îles-de-la-Madeleine constituent le seul site de nidification au Québec.

Plusieurs organismes luttent aussi à leur façon contre la multiplication des plantes exotiques qui menacent notre biodiversité. Après s’être propagées au-delà de leur aire de répartition naturelle,  ces plantes exotiques constituent aujourd’hui plus du quart (28,5%) de la flore vasculaire du Québec, ce qui n’est pas sans constituer une réelle menace. Ayant très peu d’ennemis naturels, elles se reproduisent en effet très rapidement, et menacent directement la biodiversité québécoise.

Plusieurs initiatives comme celle de Nature-Action Québec (www.nature-action.qc.ca), de l’Union Saint-Laurent Grands Lacs (www.usgl-glu.org) ou du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue  (www.creat08.ca) ont permis de conscientiser les centres-jardins et horticulteurs amateurs qui, en choisissant ces plantes à des fins ornementales, contribuent sans le savoir à accroître ce  problème bien réel.

Et puis il y a certaines initiatives encore plus discrètes, mais tellement précieuses, comme celle de l’organisme Ruralys (www.ruralys.org) au Kamouraska. Pour pallier la disparition d’une foule de variétés de fruits et de légumes du terroir, boudée par les grandes surfaces et l’industrie agroalimentaire en général, le Verger conservatoire de la Côte du Sud a réussi à retrouver des variétés anciennes de pommiers, de poiriers et de pruniers. L’initiative a permis en 2007 la récolte de bourgeons de ces variétés anciennes ce qui favorisera leur réintroduction dans les vergers du Québec et la diversification de nos produits du terroir.

Quand on parle de Biodiversité, l’heure n’est donc assurément plus à ressasser des arguments sentimentalistes, comme je l’avais fait je l’avoue, pas plus tard qu’en septembre 2008, (detail_chronique.php?ID=361728). 2010 devrait plus que jamais être une année d’actions, d’actions concertées j’insiste, car le temps file et nous n’avons de toute évidence pas préparé d’arche de Noé, pour sauver tous les membres de la grande famille des vivants.

 

 

Pour plus d'information

François Thibouthot
Adresse: Journaliste chroniqueur
Québec
Canada
François Thibouthot
Journaliste chroniqueur

François Thiboutôt est journaliste et chroniqueur. Fort de 25 ans d'expérience à l'antenne de Radio-Canada, TQS, Télé-Québec et TVA, il consacre désormais son travail de communicateur engagé, à vulgariser les grands enjeux de la consommation responsable et du développement durable. François Thiboutôt agit aussi comme consultant auprès d'entreprises et d'institutions désireuses de prendre un véritable virage vert. Il est membre de l'AProDD (Association des Professionnels en Développement Durable) Au sein de l'Agence de conférenciers en environnement et développement durable « Terre à Terre » il présente aux quatre coins du Québec, sa conférence portant sur l'empreinte écologique intitulée « L'Urgence d'une Consommation Responsable ».