Le vendredi 6 juin 2025
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Écolo? À la vie, à la Mort…

24 octobre 2008

À pareille date l’an dernier, je suis passé à une feuille d’automne de vous parler de la mort.  Je sais, je sais… c’est un sujet délicat, voire tabou. Mais c’était une fichue de bonne idée de chronique puisque justement, novembre, c’est le mois des morts. Sauf que le 1er novembre 2007 le destin en a voulu autrement. Ma mère, Marthe, est décédée dans mes bras. Vous comprendrez qu’à ce moment, malgré les meilleures intentions du monde, je n’ai pas eu le détachement nécessaire pour aborder pareil sujet, et surtout pas dans une perspective écologique.

Un an plus tard cependant, c’est le défi que je vais essayer de relever… Vous êtes plutôt comme moi, un bon vivant? Vous allez me dire, la mort? Méchant sujet plate?! Freakez pas! Vous allez voir, ma chronique sera moins morbide que certaines décorations d’Halloween de votre rue. Car à mes yeux, la mort est vraiment un moment fort de la vie. On ne sait jamais à notre naissance si nous serons malades ou en santé, pauvres ou riches, heureux ou malheureux, mais la seule et unique chose dont nous pouvons être surs et certains, c’est que nous allons bel et bien mourir. Or, si l’environnement prend de plus en plus de place dans nos vies, il est donc tout à fait normal qu’on s’en préoccupe, jusqu’à la fin.

C’est d’autant pertinent que la mortalité et l’environnement sont plus que jamais liés, à la vie à la mort. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’annuellement, 13 millions de décès sont directement causés par la pollution, de l’air, de l’eau et du sol, et les maladies environnementales qui en découlent. C’est donc dire que sur terre, un décès sur quatre est désormais causé par la détérioration de l’environnement… Moi, des statistiques comme ça, ça me fait mourir… Mais la corrélation ne s’arrête pas là… Non seulement la pollution engendre-t-elle la mort, mais la mort engendre elle aussi la pollution. Qu’on se le dise, l’enterrement des personnes décédées, tout comme leur incinération, a un important impact environnemental sur la planète des vivants. S’il est connu que les transports en général sont très polluants, le grand voyage qu’est la mort l’est lui aussi.

C’est d’autant plus préoccupant sur une petite planète qui compte de plus en plus d’habitants. À l’échelle planétaire, ce sont près de 60 millions de personnes, l’équivalent de la population de la Grande-Bretagne, qui chaque année quittent ce bas monde. Ce sont donc 60 millions de cadavres, il faut bien le dire, qu’il nous faut mettre en terre, ou brûler. On gagnerait sans doute à réduire le problème à la source, en limitant les naissances et de ce fait la surpopulation, mais ça, c’est un autre débat. Sachant que nous n’étions que 2 milliards et demi d’humains en 1950, que nous sommes maintenant 6 milliards et demi, et que nous devrions être environ 9 milliards et demi de terriens en 2050, je vous l’annonce en grandes pompes, gérer de plus en plus de morts ne sera pas de la petite bière! Heureusement et j’y reviendrai, que ce noir sujet qu’est la mort vire tranquillement au vert, ça pressait…Et ça va bien au-delà, des cercueils et urnes biodégradables, j’y reviendrai.

Car la mort venu, nous ne retournerons pas exactement en inoffensives poussières, comme le prétend la formule rituelle du très catholique mercredi des Cendres. Qu’on soit enterré ou incinéré, notre mort est souvent à l’image du cocktail chimique qui a caractérisé nos vies. Avec une moyenne de 750 pilules par année, bon nombre des 55,000 Québécois décédés chaque année, meurent, l’organisme saturé d’analgésiques, d’antibiotiques, et d’hormones, sans compter tout ce qu’ils ont bouffé, respiré et absorbé par la peau, comme produits toxiques, mutagènes et parfois même cancérigènes. Or ce persistant dosage a un réel impact écotoxicologique lorsque nous mourrons. Des résidus médicinaux s'échappent en effet des corps enterrés et peuvent s'infiltrer dans le sol des cimetières et les eaux de surface.

Ce qui n’arrange rien, c’est que le produit vedette, utilisé au Québec depuis plus d’une quarantaine d’années comme agent de conservation en thanatopraxie, est le formaldéhyde. Le produit, qui agit à la fois comme insecticide, germicide, fongicide, antiseptique et additif antibactérien, est d’une redoutable efficacité, car il permet de littéralement « fixer » les cellules, et de retarder la décomposition des corps. Or après de nombreuses années de doutes sérieux, le formaldéhyde a finalement été classé depuis 2004, comme étant un cancérigène certain, par le CIRC, le Centre International de recherche sur le Cancer. Nos défunts emportent donc en terre pour leur dernier voyage, une dose certaine de poison irritant et toxique, qu’ils transmettent à l’environnement. Le problème est d’autant plus sérieux que ces dernières années, les maisons funéraires du Québec ont dû doubler et même tripler les doses de formaldéhyde administrées aux cadavres. La raison? Nous mourrons de plus en plus vieux, et souvent de longues maladies…Tant et si mal, qu’il leur faut administrer toujours plus de formaldéhyde, pour traiter les artères et l’ensemble du système veineux de leurs clients, souvent obstrués par trop de gras, de sucre, et de sel. « Heureusement », des alternatives semblent poindre à l’horizon. Depuis peu, quelques maisons funéraires du Québec expérimentent un nouveau type de produits « Pour l’image du dernier instant » mis au point par la maison Thanygiène en France. Un désinfectant à base d’oxygène actif (Veitis) et un détoxiquant à base minérale (Cavis), sont à l’essai, et feront même l’objet d’une présentation spéciale en mars 2009, lors d’un laboratoire vert, initié par la Corporation des thanatologues du Québec.

Mais certains diront, pourquoi ne pas miser plutôt sur l’incinération en lieu et place de l’embaumement et de l’enterrement? Sachez d’abord que c’est déjà le choix que font de plus en plus de Québécois… 65 % des défunts au Québec sont désormais incinérés. Dans certaines régions comme au Saguenay, c’est près de 80%. Cela évite qu’on ait à abattre des arbres pour la construction des cercueils de bois et qu’on utilise des laques, des vernis et des colles toxiques. De plus, on se dispense du polluant transport du lourd colis, aux quatre coins du pays. Miser sur l’incinération permet aussi d’éviter que se retrouvent en terre des métaux lourds comme le zinc et le cuivre, utilisés dans la confection des cercueils de métal. À première vue, on pourrait donc croire que l’équation est simple, et que la solution écologique penche plutôt en faveur de l’incinération ou crémation, si vous préférez? Ce n’est pas si limpide que ça en a l’air. En analyse du cycle de vie, on dit souvent que pour évaluer le réel impact écologique d’un produit, d’un service, ou même d’un individu, on doit s’attarder à toutes les étapes de sa vie, du berceau au tombeau… J’ajouterais, jusqu’au fourneau…

Car les fours crématoires ont la cote de popularité au Québec.  Pour répondre à la demande croissante, plusieurs ont été érigés récemment, à Sept-Îles, à Gaspé, même dans des petites localités comme Lac-Mégantic. Ce qu’il faut savoir cependant c’est que la crémation n’est pas sans risque non plus pour l’environnement. Les crématoriums génèrent non seulement des poussières, mais aussi des émanations toxiques. La maison funéraire Urgel Bourgie bannit depuis peu certains contenants de crémation, en raison de leur top forte teneur en colles, ce qui occasionnait une forte production de dioxines. De plus, lorsqu’on incinère des défunts portant par exemple des amalgames dentaires (plombages) cela entraine des rejets toxiques dans l’atmosphère, rappelle la direction générale de la Santé et des Consommateurs de la Commission européenne. Même si lesdits plombages ne contiennent plus de plomb, ils contiennent néanmoins un alliage de métaux et notamment de mercure. On évalue que chaque fois qu’un corps est brulé, de 2 à 3,5 grammes de mercure peuvent être évacués dans l’air. Or la réglementation européenne, comme ici au Québec, s’attarde surtout aux matières en suspension…pas aux rejets de mercure et de dioxines. Pendant ce temps, en Suède on exige que les fours crématoires soient munis de filtres au sélénium pour contrer ces émanations hautement toxiques. En Espagne, on exige plutôt que les amalgames dentaires soient automatiquement retirés. Chez nous, certains thanatologues avouent avoir déjà entendu parler, mais sans plus de cette alternative. À la corporation des thanatologues du Québec, la réponse a été plus simple encore… « Jamais entendu parler de ça »

En attendant de pouvoir trancher définitivement sur la méthode la moins polluante d’assurer notre dernier repos,  sachez cependant que quelques autres alternatives vont dans le bon sens, car oui, on peut aussi voir la mort en vert.  Votre choix irait toujours vers un cercueil ? Sachez que deux compagnies québécoises innovent en ce domaine. À Sherbrooke, les cercueils le Vertsant sont faits de bois, recyclé selon une méthode artisanale, et n’utilisent ni teinture, ni colle, vis ou clous. L’entreprise Fournitures funéraires Victoriaville offre pour sa part une nouvelle gamme de cercueils baptisés NouvelAir. Leur finition est faite à base de pigments naturels à base d’eau ou d’huile, plutôt que les traditionnels vernis. Les fournisseurs en bois de l’entreprise, adhérent de plus à un programme de reforestation. Vous êtes plutôt intéressé par une urne biodégradable ? Il en existe de plus en plus de modèles, il suffit d’insister auprès de l’entreprise ou de la Coop.

Pour ce qui est de votre dernier lieu de séjour ? Un premier cimetière « naturel » a vu le jour et est en développement à Prévost, dans les Laurentides. Les sentiers commémoratifs de la rivière sont uniques, et inspirés de la tendance minimaliste plus répandue en Europe. Il n’y a pas d’inhumation dans ce parc, bordé par la rivière du Nord.  Par contre, vos cendres peuvent y être ensevelies, tout près d’un étang, d’une aire de jeux, et un arbre peut aussi y être planté, en lieu et place d’une traditionnelle pierre tombale. Attendez-vous d’ailleurs à ce que cette tendance se poursuive. Un sondage, mené l’an dernier par la firme Axiome, pour la Corporation des Thanatologues du Québec, révélait que lorsque vient le temps de choisir une entreprise funéraire, près de 60% des Québécois, sont influencés par son respect de l’environnement. Comme le client est sensé avoir toujours raison, ces entreprises n’auront d’autres choix que de répondre à ses désirs, et même, au-delà…

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François Thibouthot
Adresse: Journaliste chroniqueur
Québec
Canada
François Thibouthot
Journaliste chroniqueur

François Thiboutôt est journaliste et chroniqueur. Fort de 25 ans d'expérience à l'antenne de Radio-Canada, TQS, Télé-Québec et TVA, il consacre désormais son travail de communicateur engagé, à vulgariser les grands enjeux de la consommation responsable et du développement durable. François Thiboutôt agit aussi comme consultant auprès d'entreprises et d'institutions désireuses de prendre un véritable virage vert. Il est membre de l'AProDD (Association des Professionnels en Développement Durable) Au sein de l'Agence de conférenciers en environnement et développement durable « Terre à Terre » il présente aux quatre coins du Québec, sa conférence portant sur l'empreinte écologique intitulée « L'Urgence d'une Consommation Responsable ».