Le lundi 23 décembre 2024
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Maire pour vingt-cinq sous…

13 octobre 2008

Un moment de silence, signe précurseur.  Dès qu’elle prend la parole elle capte toute l’attention. Les mots déferlent comme les lames salées au pied des escarpements de sa municipalité. Les hauts fonctionnaires s’activent sur leurs crayons. La ministre fige son sourire. Le verbe frondeur, gaspésien, bouscule le discours politiquement empesé, soulève la curiosité.  Après plusieurs assemblées publiques, que ce soit sur les municipalités dévitalisées ou la ruralité, l’incontournable s’est enfin accompli, l’entrevue accordée. À l’issue, le temps avait basculé.

Une rencontre donc peu ordinaire avec Micheline Pelletier, maire de Sainte-Anne-des-Monts. Qu’est-ce qui l’a conduite à l’hôtel de ville alors que la seule vue du paysage aurait comblé sa retraite après 40 ans d’enseignement? Une anecdote en guise de réponse décrit bien le personnage : « Lorsque j’étais petite, à l’âge de dix ans, on habitait l’arrière pays et pour aller à l’école après le primaire j’ai dû être pensionnaire ici au village. Ma mère me donnait vingt-cinq sous pour la semaine. Mes parents n’étaient pas riches, on était pauvre. Un « quêteux » a passé et je ne lui ai rien donné. Quand il a fermé la porte j’ai eu un remords et je suis parti à la course pour le rattraper et lui donner mon vingt-cinq sous. Je suis une personne qui pense sauver le monde. Malheureusement je suis né avec ça. Quand on m’a suggéré de me présenter comme maire je me suis mise à pleurer parce que c’était redemander à la petite fille de dix ans de redonner son 25 sous, c’est-à-dire tout ce qu’elle possède. Je savais, comme je me connais, que je m’impliquerais totalement. À mon âge il ne reste qu’une chose à faire : tout ce que la vie t’a donné tu dois maintenant la redonner parce que la seule façon de mourir c’est les mains vides »

La passion habite la mairie de Sainte-Anne-des-Monts depuis maintenant trois ans
Inutile de dire que la Gaspésie et les régions sont défendues avec flammes. Le récent plan d’action gouvernemental à l’intention des municipalités dévitalisées est accueilli avec un bémol : « Qu’on ait officiellement reconnu la problématique et qu’on ait décidé d’avoir un plan pour sortir des communautés d’une dévitalisation, c’est déjà une très grande victoire. On mettant le mot sur le problème c’est comme pour le diagnostic du sida. Certaines municipalités souffrent d’une maladie, celle d’un sous-développement chronique qui a engendré une dévitalisation du point de vue économique aussi bien que social. C’est évidemment une prise de conscience tardive, particulièrement pour la Gaspésie qui souffre depuis longtemps, mais vaut mieux une réponse tardive que pas de réponse du tout ».

 Les politiques gouvernementales uniformes, quelquefois sinon souvent sans distinguer les régions urbaines des régions rurales, sont à l’origine de la détresse que vivent de nombreuses communautés: « On a proposé des programmes pour aider des municipalités d’un point de vue économique mais on a fait souvent un déni des problématiques sociales liées au sous-développement. Ça prend des structures souples, capables de s’adapter aux changements fulgurants. On ne peut plus faire du développement économique en installant de méga entreprises près des grandes villes avec des infrastructures considérables. On a créé un Québec à deux vitesses. Dans la Haute-Gaspésie on n’a même pas le cellulaire ou Internet à haute vitesse. Le message le plus cruel envoyé aux régions comme la nôtre c’est qu’on était incompétent pour le devenir de nos collectivités et à la longue on a créé un attentisme face à l’État providence. C’est un drame social! »

Dans le collimateur de Micheline Pelletier, autre exemple d’iniquité envers les régions, la politique de gestion des matières résiduelles qui doit être finalisée sous peu: « Il en coûtera 450 dollars par porte ici alors qu’à Montréal le montant est de 100 dollars. Voilà une autre approche centralisatrice de la gestion des matières résiduelles qui a été conçue en fonction d’une masse critique de population et de proximité. Avec l’objectif louable d’éviter la pollution, chez nous ça se traduit par une augmentation des gaz à effets de serre puisqu’il faudra transporter ces matières jusqu’à Rivière-du-Loup. Il aurait fallu demander aux régions comme la nôtre de faire une proposition compte tenu de notre densité géographique et de notre capacité de payer. Au lieu de cela les citoyens d’une région dévitalisée vont payer quatre fois plus que dans les centres urbains. Ça fait quarante ans qu’on vit ce type d’appauvrissement ».

 

Chose certaine Micheline Pelletier ne baissera pas les bras. D’autant plus que Sainte-Anne-des-Monts, malgré toutes les embûches, connait un regain de vie. La bougie d’allumage a été la revitalisation de la 1ère Avenue il y a quatre ans : « Lorsque les maisons sont en décrépitudes avec des pancartes « À vendre » partout, des trottoirs mal faits, sans fleurs ni arbres, les gens n’auront pas le goût de continuer. Avec la revitalisation, les gens ont pris goût à revamper leurs propriétés. Ça s’appelle du développement local, à la base de tout développement. Si demain matin une personne se lève et se met à embellir sa maison, il y aura un effet d’entraînement extraordinaire. Car pour embellir il faut de l’argent. Alors on se met à travailler plus, à gagner plus d’argent, à vouloir que nos enfants réussissent, soient mieux vêtus. On commence à participer à l’activité sociale et culturelle de notre milieu et devient participatif comme citoyen ». Le reste a suivi comme en témoigne un essor économique malgré des pertes d’emplois dans le secteur forestier. La construction et la restauration de maisons ont fait un grand bond. La municipalité a effectué une mise à niveau de ses infrastructures et augmenté son offre en matière de culture et de loisirs.

Et puis l’envolée lyrique : « C’est d’abord  reconnaitre que la situation géographique mer et montagne fait de Sainte-Anne-des-Monts, touristiquement et au niveau de sa beauté, un lieu exceptionnel de qualité de vie par son eau, son territoire et ses habitants. Une eau pure, la meilleure du Québec en provenance d’une source, l’air pur de toute saleté, exceptionnel au Québec. Toute la qualité des gens qui l’habitent et qui ont gardé une authenticité certaine dans le verbe, l’apparence, l’accueil, la chaleur qu’ils dégagent. Une image faite de bardeaux, de forêts vertes et d’air salin. Ça fait de nous quelque chose d’exceptionnel. Quand on l’aura reconnu nous même et qu’on sera fier d’appartenir à cette terre, on sera certainement la terre promise dont parlait Félix Leclerc ».

 

Un discours ponctué de mots maintenant rarissimes : fraternité, solidarité, amour, dignité, foi en sa terre. La résilience devient pour Micheline Pelletier un crédo pour les régions. Sa réponse face à une éventuelle récession économique ne surprend donc pas : « Ça fait longtemps qu’on est en récession en Gaspésie et qu’on voit des crises passées. Ce n’est pas une de plus qui va nous affaiblir. On  est un peuple très résilient et une autre crise ne va pas nous atterrer. On est fait pour affronter le vent puis la tempête à cause du climat dans lequel on vit. Alors on est capable d’affronter une crise et encore une fois on va sen sortir; puis on va sen sortir mieux que les autres parce qu’on sait comment négocier la douleur et la misère ».

Pour plus d'information

André Lavoie
Québec
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André Lavoie