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Pouvez-vous congédier un salarié absent du travail pour cause de maladie?

18 décembre 2015

Texte publié initialement sur le site de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, dédiée à représenter les intérêts des PME.

Avant de répondre à cette question, faisons un survol des droits et obligations des parties liées par le contrat individuel de travail.

Quels sont les droits et obligations du salarié?

En vertu de l'article 2085 du Code civil du Québec(C.C.Q.), votre salarié a l'obligation de fournir une prestation de travail sous la direction et le contrôle de l'employeur.

Il a le droit de s'absenter du travail, notamment en cas de maladie ou d'accident. L'article 79.1 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) prévoit qu'un salarié comptant trois mois de service chez l'employeur peut s'absenter sans salaire pendant au plus 26 semaines sur une période de 12 mois pour cause de maladie, de don d'organes ou d'accident.

Le salarié doit vous aviser le plus tôt possible de son absence et des motifs de celle-ci (art. 79.2 L.N.T.).

Vous avez le droit de lui demander de vous fournir un document attestant les motifs de l'absence si les circonstances le justifient, compte tenu notamment de la durée et du caractère répétitif de l'absence (art. 79.2 L.N.T.).

Quels sont les recours du salarié?

S'il croit avoir été victime d'une sanction (déplacement, suspension, congédiement ou autres mesures discriminatoires ou de représailles) en raison de l'exercice du droit prévu à l'article 79.1 L.N.T., il peut contester cette sanction au moyen d'une plainte selon les articles 122 et ss. LN.T.

Si son absence a excédé 26 semaines au cours d'une période de 12 mois, le salarié n'est pas protégé par les articles 79.1 et 122 L.N.T. Dans un tel cas, seul un «congédiement» peut être contesté, cette fois au moyen d'une plainte en vertu de l'article 124 L.N.T.

Quels sont les droits et obligations de l'employeur?

Vous avez le droit de connaître le motif et la durée de l'absence. On considère généralement que la meilleure façon de motiver une absence pour cause de maladie est de fournir un certificat médical comportant un diagnostic ainsi que la date prévue de retour au travail(Courtois et Kenworth Montréal ltée (division Paccar du Canada), (C.R.T., 2004-06-01), 2004 QCCRT 0317, SOQUIJ AZ-50255386, D.T.E. 2004T-673).

Cependant, certains décideurs estiment qu'un employeur n'a pas à connaître la maladie dont est atteint son employé. S'il a des doutes sur la vraisemblance de la maladie alléguée, il peut demander au salarié de se soumettre à un examen médical (Polimeno et 3550222 Canada inc. (C.R.T., 2011-01-12), 2011 QCCRT 0015, SOQUIJ AZ-50711561, 2011EXPT-338).

Un employeur ne peut s'improviser médecin et conclure que l'absence était injustifiée (Pelletier c. Accès santé mentale cible au travail (C.R.T., 2015-02-27), 2015 QCCRT 0117, SOQUIJ AZ-51155973, 2015EXPT-621, D.T.E. 2015T-255).

Au terme d'une période d'invalidité de longue durée, l'employeur a le droit d'exiger du salarié qu'il soit évalué afin de déterminer s'il est apte ou non au travail. Une telle démarche est conforme à ses obligations légales en matière de santé et de sécurité de ses employés (art. 2087 C.C.Q et 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail).

L'employeur peut-il congédier un salarié dont la durée de l'absence maladie est supérieure à 26 semaines?

Il faut d'abord mentionner que le congédiement n'est pas une mesure qui s'applique automatiquement à l'échéance de ce délai.

En vertu de l'article 124 L.N.T, lequel est d'ordre public, un employeur ne peut congédiersans cause juste et suffisante un salarié qui compte deux ans de service continu dans l'entreprise.

Un salarié peut être congédié pour un motif administratif ou disciplinaire.

Dans le cas d'une mesure administrative, aucune faute n'est reprochée au salarié. Le manquement est involontaire, en l'occurrence une maladie l'empêchant d'effectuer sa prestation normale de travail.

Afin de justifier un tel congédiement, l'employeur a le fardeau de démontrer que le salarié ne sera pas capable, dans un avenir rapproché, de fournir une prestation normale de travail (Gorsy et  Association des parents de l'enfance en difficulté de la Rive-Sud, Montréal,ltée(C.R.T., 2010-06-23), 2010 QCCRT 0322, SOQUIJ AZ-50653664, 2010EXP-2396, 2010EXPT-1715, D.T.E. 2010T-495). Une absence de preuve à cet égard peut entraîner l'annulation de la mesure. Cette preuve se fait normalement au moyen d'expertises médicales.

Dans le cas d'un congédiement de nature disciplinaire, on reproche au salarié d'avoir commis un manquement volontaire, notamment en raison d'une fausse déclaration ou de son insubordination.

Ici aussi, il appartient à l'employeur de prouver que le salarié a commis la faute alléguée, que celle-ci justifiait l'imposition d'une mesure disciplinaire et que le congédiement imposé était la sanction appropriée, compte tenu des circonstances de l'affaire.

La preuve pourra être faite au moyen d'expertises médicales, d'une filature, à certaines conditions (Duval et Elopak Canada inc. (C.R.T., 2012-09-05), 2012 QCCRT 0419, SOQUIJ AZ-50894142, 2012EXPT-1987, D.T.E. 2012T-687), ou de témoignages.

Des salariés ont été congédiés pour avoir, notamment :

L'obligation d'accommodement

Un salarié a droit à la protection accordée par la Charte des droits et libertés de la personnes'il fait l'objet de discrimination fondée sur le handicap (ou la maladie). Dans les circonstances, l'employeur doit prendre les moyens raisonnables afin d'accommoder le salarié, pour autant que cela ne lui cause pas de contrainte excessive. Il pourra notamment exiger qu'il effectue un retour au travail à temps partiel, lui attribuer d'autres fonctions, etc.

En contrepartie, un salarié doit collaborer avec l'employeur et faire les compromis raisonnables et nécessaires afin de trouver une ou des mesures d'accommodements qui lui permettront de fournir sa prestation de travail.

L'entêtement d'un salarié à décliner toutes les propositions d'accommodement faites par l'employeur et, surtout, son refus de discuter et de négocier peuvent justifier le congédiement (Courtois et Kenworth Montréal ltée (division Paccar du Canada).

Pour plus d'information

Me Sylvie Théorêt

Me Sylvie Théorêt
Conseillère juridique

Me Sylvie Théoret est conseillère juridique à SOQUIJ depuis 1994 en droit du travail. Elle s'intéresse particulièrement à l'arbitrage de griefs, aux normes du travail, aux régimes de retraite, aux contrats de travail, à l'accréditation et aux relations du travail dans l'industrie de la construction. Elle est l'auteure de plusieurs articles publiés dans AZIMUT (Banque Doctrine).