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Droits et libertés en relations du travail: les principales décisions de l'actualité 2016

19 mai 2017

Voici les décisions importantes de l'actualité juridique de 2016 en matière de droits et libertés de la personne en relations de travail provenant pour la plupart des tribunaux judiciaires, mais également des tribunaux administratifs.

Vous retrouverez au «palmarès des thématiques actuelles» : les libertés de religion, d'expression, d'association de même que le droit à la vie privée ainsi que celui à des conditions de travail justes et raisonnables.

Bien sûr, pour ce qui est du thème de la discrimination et de l'obligation d'accommodement, je n'ai mentionné que quelques décisions, car ce sujet pourrait mériter à lui seul une revue jurisprudentielle.

Sans plus tarder, voici ce qui est ressorti de ces décisions

Discrimination et liberté de religion

Singh c. Montréal Gateway Terminals Partnership (CP Ships Ltd./Navigation CP ltée)

L'obligation imposée à des travailleurs sikhs employés par des entreprises portuaires de Montréal de porter un casque de sécurité constitue de la discrimination prévue à la Charte des droits et libertés de la personne ou à la Loi canadienne sur les droits de la personne et porte atteinte à la liberté de religion; de telles atteintes sont toutefois justifiées, compte tenu des obligations de ces entreprises d'assurer la sécurité des employés qui sont sur les lieux du travail.

Ces derniers ne sont donc pas exemptés de l'obligation de porter un casque protecteur lorsque, dans l'exercice de leur métier de chauffeur de camion, ils circulent hors de leur véhicule dans les terminaux exploités par des entreprises qui font de la manutention de conteneurs.

Enfin, même si la protection de la liberté de religion et l'interdiction de discriminer prévues à la Charte des droits et libertés de la personne empiètent sur les activités au cœur d'une compétence fédérale, soit celles d'une entreprise de débardage, les employés sikhs qui circulent dans les terminaux du port de Montréal peuvent invoquer la protection de la charte québécoise.

Discrimination fondée sur le sexe et équité salariale

Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux

Les articles 76.3 et 76.5 de la Loi sur l'équité salariale, qui ont trait au maintien de l'équité salariale, ont pour effet de perpétuer l'inégalité salariale dont sont victimes les personnes qui occupent des emplois à prédominance féminine; ils portent lourdement atteinte au droit à l'égalité et contreviennent à l'article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés. De telles dispositions ne sont pas justifiées en vertu de l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés et sont déclarées inconstitutionnelles.

En effet, l'évaluation du maintien de l'équité salariale et les ajustements salariaux sont nécessairement ponctuels, mais l'absence de rétroactivité couplée à un ajustement tous les cinq ans et à un processus d'affichage inadéquat ne peuvent être suffisants. Même si l'examen du maintien de l'équité salariale peut être ponctuel, plus l'exercice est espacé dans le temps, plus il risque de provoquer des injustices si les ajustements salariaux ne prennent pas en considération le temps écoulé depuis que le changement est survenu.

Discrimination fondée sur le handicap

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Paquette) c. 9208-8467 Québec inc. (Résidence Sainte-Anne)

L'employeur, qui exploite une résidence pour personnes âgées, avait une obligation d'accommodement à l'égard d'une préposée aux bénéficiaires qui souffrait de sclérose en plaques de façon épisodique. Cette employée a été victime de discrimination fondée sur le handicap et les défendeurs ont échoué à établir l'existence d'une exigence professionnelle justifiée ou d'une contrainte excessive

La prétention de l'employeur selon laquelle l'état de santé de la plaignante mettait en péril la sécurité des patients est sans fondement. Des témoins ont déclaré que celle-ci faisait un excellent travail et qu'il était facile de l'accommoder.

L'employeur a été condamné à verser à celle-ci 7 500 $ à titre de compensation pour son préjudice moral, 3 000 $ à titre de dommages punitifs ainsi que l'équivalent de un mois de salaire.

Pour plus de détails, veuillez consulter le billet que j'ai rédigé : «Congédiement d'une préposée aux bénéficiaires souffrant de sclérose en plaques».

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) (M. X)

Le congédiement administratif imposé au plaignant pour avoir omis de dévoiler ses antécédents médicaux à l'embauche est confirmé; il y a un lien entre sa condition psychologique et l'emploi d'infirmier auprès d'une clientèle souffrant de troubles de santé mentale.

Toutes les questions posées dans le questionnaire médical préembauche violaient la vie privée; toutefois, les réponses à ces questions étaient nécessaires pour que l'employeur puisse évaluer adéquatement les candidatures à un poste d'infirmier auprès d'une clientèle vulnérable.

Liberté d'expression

Québec (Procureure générale) c. Commission des relations du travail, Division des relations du travail

Dans le contexte des négociations de la convention collective, le gouvernement était fondé à interdire aux salariés, des ingénieurs, de diffuser un message de nature syndicale au bas de leur signature dans des courriels; le message en question compromettait l'image de la fonction publique en tant qu'employeur et ne pouvait que miner la confiance des destinataires.

La décision ayant ordonné au gouvernement de cesser d'entraver les activités du syndicat et de permettre aux fonctionnaires de diffuser un message de nature syndicale (par courriel) était déraisonnable; l'intérêt public l'emporte sur une atteinte minimale à la liberté d'expression.

Liberté d'expression et droit à la vie privée

Fraternité des policiers et policières de Saint-Jean-sur-Richelieu et St-Jean-sur-Richelieu (Ville de) (grief collectif)

Les dispositions de la nouvelle politique de l'employeur, une municipalité, limitant ses policiers à n'avoir qu'un seul tatouage visible et de petite dimension, interdisant également un tatouage sur la nuque, derrière les oreilles ainsi qu'exigeant l'approbation préalable de la direction avant de se faire tatouer sont invalides.

En raison de ces restrictions importantes, la politique viole les droits à la vie privée des policiers de même que leur liberté d'expression; les limitations prescrites ne sont pas proportionnelles à l'objectif de maintenir le lien de confiance entre la population et les policiers.

Droit à la vie privée et droit à des conditions de travail justes et raisonnables

Syndicat des travailleurs et travailleuses de Sysco-Québec-CSN et Sysco Services alimentaires du Québec (grief collectif

L'installation du système de caméras DriveCam à l'intérieur de camions effectuant le transport de denrées alimentaires afin de déceler les comportements de conduite à risque de ces derniers porte atteinte à leur droit à la vie privée et à leur droit à des conditions de travail justes et raisonnables.

Aucun problème d'accidents n'a été démontré et il ne s'agit pas du moyen le moins intrusif possible dans la vie privée de ceux-ci.

Pour plus de détails, veuillez consulter le billet que j'ai rédigé : «Le système de surveillance DriveCam dans les camions de transport alimentaire : oui ou non?»

Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal (installation CSSS Ahuntsic/Montréal-Nord) (griefs collectifs)

La mise en place d'un programme de gestion du rendement des membres de l'équipe affectée aux soins à domicile relevait des droits de la direction; or, ceux-ci n'ont pas été exercés dans le respect des droits fondamentaux des plaignants.

En effet, l'obligation de justifier un rendement inférieur aux objectifs fixés sur le plan de la quantité de travail a provoqué de l'humiliation ou de la culpabilité chez les salariés ainsi que des répercussions néfastes sur le climat de travail; l'employeur a porté atteinte au droit des plaignants à des conditions de travail justes et raisonnables.

Liberté d'association

Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675

Les dispositions de la Loi sur le contrôle des dépenses pendant une certaine période ne violent pas la liberté d'association édictée à l'article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Bien que l'invalidation, même partielle, des dispositions salariales d'une convention collective ait ébranlé le processus de négociation antérieur qui avait servi de fondement à la conclusion de cette convention, l'ingérence du législateur n'a pas compromis l'intégrité fondamentale du processus de négociation collective protégé par l'article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Association des cadres de la Société des casinos du Québec et Société des casinos du Québec inc. et Association professionnelle des cadres de premier niveau d'Hydro-Québec (APCPNHQ) et Hydro-Québec

L'exclusion des cadres de la notion de «salarié» établie au Code du travail porte atteinte de manière injustifiée à la liberté d'association garantie par l'article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés et par l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Pour plus de détails, veuillez consulter ce billet : «Syndicalisation des cadres : mise aux normes internationales forcée du Code du travail», de mon collègue Philippe Buist.

Il faut garder à l'esprit que plusieurs de ces décisions font l'objet d'un appel ou d'un pourvoi en contrôle judiciaire. Comment le savoir ? Repérez ces décisions au moyen du petit astérisque (*) se trouvant à la fin de la mention des noms des parties.

Le sort de ces décisions demeure donc à surveiller

Références

  • Singh c. Montréal Gateway Terminals Partnership (CP Ships Ltd./Navigation CP ltée), (C.S., 2016-09-21), 2016 QCCS 4521, SOQUIJ AZ-51324924. Déclaration d'appel, 2016-10-19 (C.A.), 500-09-026400-168.
  • Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (C.A., 2016-10-12), 2016 QCCA 1659, SOQUIJ AZ-51331102, 2016EXP-3339, 2016EXPT-1925, J.E. 2016-1820, D.T.E. 2016T-805. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême, 2016-12-12 (C.S. Can.), 37347
  • Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Paquette) c. 9208-8467 Québec inc. (Résidence Sainte-Anne), (T.D.P.Q., 2016-07-13), 2016 QCTDP 20, SOQUIJ AZ-51309372, 2016EXP-2853, 2016EXPT-1630, D.T.E. 2016-688.
  • Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) (M. X), (T.A., 2016-05-23), 2016 QCTA 350, SOQUIJ AZ-51290145, 2016EXP-1991, 2016EXPT-1164, D.T.E. 2016T-463, A.A.S. 2016A-25.
  • Québec (Procureure générale) c. Commission des relations du travail, Division des relations du travail (C.S., 2016-09-22), 2016 QCCS 5095, SOQUIJ AZ-51335653, 2016EXP-3583, 2016EXPT-2071, J.E. 2016-1959, D.T.E. 2016T-862. Requête pour permission d'appeler accueillie (C.A., 2016-11-11), 2016 QCCA 1872, SOQUIJ AZ-51343227.
  • Fraternité des policiers et policières de Saint-Jean-sur-Richelieu et St-Jean-sur-Richelieu (Ville de) (grief collectif), (T.A., 2016-09-09), 2016 QCTA 715, SOQUIJ AZ-51327358, 2016EXP-3844, 2016EXPT-2225, D.T.E. 2016T-929.
  • Syndicat des travailleurs et travailleuses de Sysco-Québec-CSN et Sysco Services alimentaires du Québec (grief collectif), (T.A., 2016-05-12), 2016 QCTA 455, SOQUIJ AZ-51298997, 2016EXP-2793, 2016EXPT-1587, D.T.E. 2016T-665. Pourvoi en contrôle judiciaire, 2016-06-09 (C.S.), 500-17-094231-167.
  • Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal (installation CSSS Ahuntsic/Montréal-Nord) (griefs collectifs), (T.A., 2016-03-07), 2016 QCTA 129, SOQUIJ AZ-51261690, 2016EXP-1038, 2016EXPT-608, D.T.E. 2016T-332, A.A.S. 2016A-29.
  • Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675 (C.A., 2016-02-02), 2016 QCCA 163, SOQUIJ AZ-51251034, 2016EXP-597, 2016EXPT-327, J.E. 2016-295, D.T.E. 2016T-121. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-08-25), 36914.
  • Association des cadres de la Société des casinos du Québec et Société des casinos du Québec inc. (T.A.T., 2016-12-07), 2016 QCTAT 6870, SOQUIJ AZ-51348664. Pourvoi en contrôle judiciaire, 2017-01-06 (C.S.), 500-17-097007-176.
  • Association professionnelle des cadres de premier niveau d'Hydro-Québec (APCPNHQ) et Hydro-Québec (T.A.T., 2016-12-07), 2016 QCTAT 6871, SOQUIJ AZ-51348665. Pourvoi en contrôle judiciaire, 2017-01-06 (C.S.), 500-17-097044-179.

Pour plus d'information

Me France Rivard

Me France Rivard
Avocate

Me France Rivard travaille à SOQUIJ depuis 2000, ayant occupé à ses débuts un poste de conseillère à la clientèle. Depuis 2001, elle est conseillère juridique en droit du travail, contribuant à la rédaction des Express dans les domaines de l'arbitrage de griefs, des normes du travail et des droits et libertés de la personne et publiant des articles sur ces sujets dans AZIMUT (Banque Doctrine). Avant de se joindre à SOQUIJ, elle a été recherchiste à la Cour d'appel puis avocate en pratique privée. Enfin, elle détient une maîtrise en droit de la santé de l'Université de Sherbrooke.