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L'obligation de garder confidentiel le contenu d'une entente de cessation d'emploi : c'est sérieux!

13 octobre 2017

Le non-respect du caractère confidentiel d'une entente de cessation d'emploi peut avoir des conséquences importantes pour les parties, comme nous le rappelle l'arbitre André Bergeron dans une décision récente (Centre de santé et de services sociaux du Sud de Lanaudière (Centre d'hébergement des Deux-Rives) et Syndicat interprofessionnel de la santé de Lanaudière Sud (SILS-FIQ) (France Paré)).

Les faits

La plaignante a travaillé pendant près de 10 ans comme infirmière chez l'employeur. Au cours des six derniers mois de service, elle s'est vu imposer différentes mesures disciplinaires ou administratives. Les griefs déposés afin de contester ces mesures ont fait l'objet d'un règlement hors cour.

L'entente prévoit notamment les points suivants :

  • l'annulation du congédiement de la plaignante et son remplacement par une démission libre et volontaire;
  • le versement d'une indemnité (5 000 $);
  • l'engagement de l'employeur de s'en tenir au nouveau motif de cessation d'emploi (démission) en cas de demande de référence; et
  • le désistement de tous les griefs mettant en cause la plaignante ainsi que la renonciation de cette dernière et du syndicat à tout recours envers l'employeur.

Au dernier paragraphe de la transaction, il est stipulé que «les parties s'engagent à garder la présente entente confidentielle et à n'en divulguer le contenu à quiconque à moins d'y être contraintes par la loi» (paragr. 12).

Estimant avoir été victime d'un bris de confidentialité de la part de J.D., signataire de l'entente pour la partie patronale, la plaignante a déposé un grief dans lequel elle réclame le paiement de dommages-intérêts pour atteinte à sa réputation. Elle a témoigné avoir eu beaucoup de mal à se trouver un nouvel emploi à cause du non-respect des engagements de l'employeur.

La décision

L'arbitre fait droit au grief. Il constate que le but de l'entente était de régler à l'amiable et sans admission l'ensemble des litiges concernant la période d'emploi de la plaignante ainsi que la cessation de cet emploi. Il détermine que les accusations portées contre la plaignante sont ainsi retirées et qu'elles ne peuvent lui nuire dans sa recherche d'un autre emploi (paragr. 61). Il précise que, tant qu'un arbitre ne s'est pas prononcé sur les fautes que l'employeur lui avait reprochées, la plaignante demeure présumée innocente de ces fautes.

L'arbitre conclut que J.D. a contrevenu à l'engagement de confidentialité en ne se contentant pas de dire au nouvel employeur de la plaignante qu'elle avait démissionné. À la question «Est-ce que vous la réengageriez si elle demandait à revenir travailler dans votre établissement?», il a répondu par la négative. Selon l'arbitre, ce commentaire de J.D. ne pouvait que mettre la puce à l'oreille de son interlocuteur quant aux motifs réels de la cessation d'emploi (paragr. 63). D'ailleurs, la plaignante a été congédiée dès le lendemain par son nouvel employeur.

L'arbitre estime que J.D. n'a pas compris que sa signature de l'entente l'obligeait à faire fi des motifs qui l'avaient amené à congédier la plaignante et que, en cas de demande de référence, il devait agir comme si les gestes reprochés n'avaient pas été commis (paragr. 65). Il souligne que J.D. aurait dû avoir à l'esprit qu'il ne pouvait donner une réponse pouvant avoir comme conséquence de nuire à la plaignante dans sa recherche d'emploi. Il ajoute que, s'il n'était pas à l'aise avec cet engagement, J.D. n'aurait pas dû signer l'entente ou, à tout le moins, consentir à ce que la plaignante donne son nom comme référence d'emploi.

L'arbitre conclut que J.D. a trahi la confiance que la plaignante avait placée dans l'entente et qu'il a brisé indirectement l'obligation de confidentialité à laquelle il s'était engagé, de sorte que l'entente est devenue caduque. Estimant que l'employeur «refuse de donner suite au règlement intervenu» (art. 100.0.2 du Code du travail), l'arbitre convoque les parties afin que les griefs dont il est saisi (mesures disciplinaires et administratives) soient entendus et tranchés sur le fond. Il réserve sa compétence quant aux dommages dus à la plaignante pour atteinte à sa réputation.

Référence

Centre de santé et de services sociaux du Sud de Lanaudière (Centre d'hébergement des Deux-Rives) et Syndicat interprofessionnel de la santé de Lanaudière Sud (SILS-FIQ) (France Paré), (T.A., 2017-07-06), 2017 QCTA 496, SOQUIJ AZ-51407696. À la date de diffusion, la décision n'avait pas fait l'objet de pourvoi en contrôle judiciaire.

Pour plus d'information

Me Sylvie Théorêt

Me Sylvie Théorêt
Conseillère juridique

Me Sylvie Théoret est conseillère juridique à SOQUIJ depuis 1994 en droit du travail. Elle s'intéresse particulièrement à l'arbitrage de griefs, aux normes du travail, aux régimes de retraite, aux contrats de travail, à l'accréditation et aux relations du travail dans l'industrie de la construction. Elle est l'auteure de plusieurs articles publiés dans AZIMUT (Banque Doctrine).