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L'exposition au virus de la COVID-19 dans son milieu de travail, un événement imprévu et soudain?

11 février 2022

L'histoire est malheureusement simple. En mai 2020, le travailleur, un camionneur-gardeur, a constaté avoir perdu l'odorat alors qu'il effectuait le plein de carburant de son véhicule. Il a donc passé un test de dépistage de la COVID-19, lequel s'est avéré positif. Prétendant avoir été victime d'une lésion professionnelle, ce dernier a produit une réclamation à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail. Cette réclamation a toutefois été refusée et le refus a été confirmé par la révision administrative. Le Tribunal administratif du travail (TAT) a alors été saisi du dossier.

Quelques définitions

Afin de bien comprendre les termes utilisés dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le législateur a défini divers concepts à son article 2. Ainsi, la lésion professionnelle constitue une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail ou encore une maladie professionnelle, alors qu'un accident du travail correspond à un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause survenant par le fait ou à l'occasion du travail et qui entraîne une lésion professionnelle.

La notion d'«événement imprévu et soudain» n'est pas définie dans la loi. La Cour d'appel, dans Antenucci, a toutefois défini cette notion comme étant «un fait qui arrive, une situation, précise dans le temps, qui se matérialise, par comparaison avec une circonstance qui est une particularité accompagnant ce fait, cet événement ou cette situation».

L'analyse du TAT

D'emblée, une infection liée au virus COVID-19 est une maladie et le Tribunal reconnaît que le fait d'avoir été en contact avec un virus peut constituer, selon les circonstances, un événement imprévu et soudain. Mais une question demeure: est-ce ce que cette maladie a été contractée par le fait ou à l'occasion du travail?

Lors de son témoignage, le travailleur a expliqué que, dans le cadre de ses tâches de travail, il se trouvait souvent dans des endroits restreints, où il était impossible de respecter la distanciation requise. C'était le cas, notamment, lorsqu'il se rendait au bureau du répartiteur, dans le bureau des contremaîtres ou dans l'entrepôt. Cet élément est d'ailleurs confirmé par le responsable de la santé et de la sécurité au travail de l'employeur. Au mois de mai 2020, 5 employés travaillant dans l'entrepôt ont été atteints de la COVID-19 et le travailleur a affirmé avoir eu des contacts rapprochés, dans le cours de ses tâches, avec chacun d'entre eux, et plus particulièrement avec un employé ayant contracté le virus 1 semaine avant lui.

Dans Desgagnés, le Tribunal a déjà établi qu'il n'a pas à déterminer le moment précis de la contagion, mais plutôt si l'infection en cause a été contractée, de manière plus probable, dans le milieu de travail. En l'espèce, le travailleur a déclaré avoir été en isolement strict, n'ayant eu aucun contact à l'extérieur de son milieu de travail, et cette preuve n'a pas été contredite.

Dans ces circonstances, le TAT a conclu que ce dernier avait été exposé au virus de la COVID-19 dans le cadre de son travail, que cela constituait un événement imprévu et soudain et que le travailleur avait ainsi subi une lésion professionnelle.

Une première décision, mais probablement pas la dernière

Cette décision constitue effectivement la première décision du TAT qui reconnaît l'exposition à la COVID-19 comme étant un événement imprévu et soudain, mais, puisque ce cas d'espèce n'est assurément pas un cas isolé, d'autres décisions seront probablement rendues à ce sujet. Il sera alors intéressant d'analyser les jugements du TAT à cet égard.

Références

  • Lamarche et Consolidated Fastfrate inc. (T.A.T., 2021-09-23 (décision rectifiée le 2021-09-30)), 2021 QCTAT 4580, SOQUIJ AZ-51796048. À la date de la diffusion, la décision n'avait pas fait l'objet de révision ou de pourvoi en contrôle judiciaire.
  • Antenucci c. Canada Steamship Lines Inc. (C.A., 1991-04-16), SOQUIJ AZ-91011480, J.E. 91-747, D.T.E. 91T-446, [1991] R.J.Q. 968. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1991-11-07), 22509.
  • Desgagné et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Direction régionale de santé publique), (T.A.T., 2019-10-25), 2019 QCTAT 4771, SOQUIJ AZ-51640012, 2019EXPT-2398.

Pour plus d'information

MeAmélie Pilon

MeAmélie Pilon
Conseillère juridique

Diplômée en droit de l'Université de Montréal et membre du Barreau du Québec depuis mars 2010, Me Amélie Pilon a commencé sa carrière au Centre communautaire juridique de Montréal, où elle a exercé le droit criminel en tant qu'avocate de la défense. Elle a par la suite poursuivi sa pratique en cabinet privé. Elle est entrée en 2017 au service de SOQUIJ, d'abord en tant que conseillère juridique spécialisée en droit criminel et en déontologie policière, puis en droit des lésions professionnelles. De plus, elle prépare et présente des formations thématiques en droit et est l'auteure d'articles publiés dans le Blogue.