Le vendredi 22 novembre 2024
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La chute d'un travailleur lors d'une formation syndicale correspond-elle à une situation étrangère aux risques que l'employeur doit supporter?

17 juin 2022

Les stationnements et les trottoirs recouverts de glace ne constituent pas une situation exceptionnelle durant nos hivers et de nombreux travailleurs se blessent à l'occasion de leurs déplacements. Lorsque ces accidents sont reconnus à titre d'accidents du travail, le travailleur peut être indemnisé par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). En effet, ces blessures peuvent nécessiter des traitements médicaux et même des arrêts de travail, mais à qui doit-on imputer les coûts reliés à ces accidents?
 

Le principe général et l'une de ses exceptions

Selon l'article 326 alinéa 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, l'employeur est responsable du coût des lésions professionnelles subies par ses travailleurs. Des exceptions sont toutefois prévues à son second alinéa, notamment lorsque cette imputation a pour effet d'obérer injustement un employeur.

Afin de bénéficier de cette exception, l'employeur doit démontrer une situation d'injustice, soit une situation étrangère aux risques qu'il doit supporter, ainsi qu'une proportion considérable des coûts attribuable à cette situation par rapport aux coûts découlant de l'accident du travail en cause.
 

L'activité exercée lors de l'accident

Dans l'analyse de l'injustice causée à l'employeur, la jurisprudence a établi qu'il fallait prendre en considération les risques particuliers ou inhérents à l'ensemble de ses activités. Toutefois, ce n'est pas l'accident comme tel qui ne doit pas faire partie de ces risques, mais bien l'activité exercée au moment de cet accident. Ainsi, c'est le lien de connexité entre l'activité exercée au moment où le travailleur s'est blessé et le travail qui sera déterminant.
 

Une application concrète: une décision intéressante de 2021

Le travailleur, un chauffeur d'autobus urbain, avait été libéré de ses tâches usuelles pour la journée afin d'assister à une formation syndicale. Il avait alors glissé sur une plaque de glace lors de son déplacement vers l'immeuble où avait lieu cette formation.

Dans une décision antérieure, le Tribunal administratif du travail avait déterminé que c'était l'employeur, et non le syndicat, qui devait supporter les coûts reliés à cet accident, car le lien d'emploi subsistait toujours entre le travailleur et son employeur, la convention collective prévoyant la possibilité d'une libération syndicale pour une courte durée.

Or, dans la décision récente, le Tribunal a déterminé que l'imputation de ces coûts à l'employeur constituait une injustice.

Bien que les accidents du travail survenus dans les voies d'accès à un lieu de travail fassent habituellement partie des risques reliés aux activités des employeurs et que la participation à une activité syndicale fasse partie des conditions de travail qui régissent les relations entre le travailleur et l'employeur, il demeure que le travailleur ne s'était pas déplacé pour exercer les tâches reliées à son emploi de chauffeur. Sa chute n'était donc pas un risque relié aux activités économiques de l'employeur, soit le transport routier de passagers. Par conséquent, l'employeur a eu droit à un transfert d'imputation.

Si le sujet vous intéresse, voici quelques décisions à ce sujet :


Références

  • Québec (Ministère des Transports) et Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.L.P., 2008-03-28), 2008 QCCLP 1795, SOQUIJ AZ-50482296, C.L.P.E. 2007LP-281, [2007] C.L.P. 1804.
  • Coop. ambulanciers Mauricie inc. et CH Cloutier inc. (C.L.P., 2011-04-11 (décision rectifiée le 2011-04-13)), 2011 QCCLP 2668, SOQUIJ AZ-50742331.
  • Union des employés et employées de service et Robinson (T.A.T., 2018-10-05), 2018 QCTAT 4878, SOQUIJ AZ-51534828, 2018EXPT-2104.
  • 9135-2062 Québec inc. (T.A.T., 2021-12-16), 2021 QCTAT 6040, SOQUIJ AZ-51818151.
  • Groupe Compass (Eurest Chartwell), (C.L.P., 2011-07-12), 2011 QCCLP 4699, SOQUIJ AZ-50770525, 2011EXPT-1460.
  • Régie des rentes du Québec et SFPQ (C.L.P., 2012-12-17), 2012 QCCLP 8035, SOQUIJ AZ-50922998.
  • Service sécurité publique (T.A.T., 2016-10-21), 2016 QCTAT 6087, SOQUIJ AZ-51335970.
  • Québec (Ministère de l'Environnement), (C.L.P., 2010-07-05), 2010 QCCLP 4980, SOQUIJ AZ-50654975, 2010EXPT-1827

Pour plus d'information

MeAmélie Pilon

MeAmélie Pilon
Conseillère juridique

Diplômée en droit de l'Université de Montréal et membre du Barreau du Québec depuis mars 2010, Me Amélie Pilon a commencé sa carrière au Centre communautaire juridique de Montréal, où elle a exercé le droit criminel en tant qu'avocate de la défense. Elle a par la suite poursuivi sa pratique en cabinet privé. Elle est entrée en 2017 au service de SOQUIJ, d'abord en tant que conseillère juridique spécialisée en droit criminel et en déontologie policière, puis en droit des lésions professionnelles. De plus, elle prépare et présente des formations thématiques en droit et est l'auteure d'articles publiés dans le Blogue.