Le lundi 23 décembre 2024
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L'ABC d'une plainte envers son syndicat

16 septembre 2022

Vous êtes syndiqué et vous souhaitez déposer un grief à l'encontre de votre employeur, qui a refusé de reconnaître votre ancienneté, mais le syndicat n'a pas accepté de déposer un tel grief. S'agit-il de la fin de l'histoire? Pas nécessairement. Si vous croyez que votre syndicat n'a pas respecté ses obligations envers vous, il est possible de déposer une plainte au Tribunal administratif du travail (TAT).

Mais, attention, il y a certaines règles à respecter.
 

La recevabilité de la «plainte en 47.2»

L'objet du recours

Selon l'article 47.2 du Code du travail (C.tr.), un syndicat doit respecter son devoir de juste représentation. Ainsi, il ne doit pas agir de mauvaise foi, de manière arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de négligence grave à l'endroit d'un salarié.

Les comportements prohibés visent notamment des gestes qui sont accomplis par le syndicat dans le cadre de la négociation, de l'application ou de l'interprétation de la convention collective.

Ainsi, pour être recevable, une plainte ne doit pas viser un comportement de l'employeur. À ce titre, le TAT ne pourrait ordonner à l'employeur de rembourser au salarié une somme due en raison d'erreurs sur ses paies puisque ses pouvoirs ne visent qu'à corriger une conduite illicite du syndicat.

La plainte n'est pas recevable non plus si elle vise la gestion interne du syndicat, telle que les procédures relatives à une assemblée générale (convocation, déroulement d'un vote, etc.), les décisions prises lors de ses assemblées, les cotisations syndicales, les politiques syndicales ni les mandats de représentation devant la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
 

Le délai

Selon l'article 47.5 C.tr., la plainte doit être soumise au TAT dans un délai de 6 mois suivant la prise de connaissance du manquement du syndicat à son devoir de juste représentation.

Un salarié peut toutefois avoir un motif raisonnable de ne pas avoir respecté ce délai et le TAT pourra alors prolonger le délai si aucune partie n'en subit de préjudice grave (art. 15 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail).

L'ignorance de la loi est un motif très souvent invoqué, mais il ne s'agit pas d'un motif raisonnable selon la jurisprudence.
 

Le fardeau de la preuve

Le fardeau de la preuve incombe au salarié. De ce fait, ce sera à lui de démontrer que le syndicat a manqué à son devoir de juste représentation en adoptant une conduite interdite, et non au syndicat de démontrer qu'il a agi avec diligence.

Le pouvoir discrétionnaire du syndicat et les chances du succès du grief

Il est aussi important de savoir que le syndicat dispose d'un large pouvoir discrétionnaire dans la prise de ses décisions (Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon). Ce pouvoir existe à l'égard tant de la stratégie à privilégier que des compromis qu'il estime devoir faire lors de la négociation avec l'employeur.

À ce titre, le syndicat doit notamment soupeser les intérêts individuels du salarié par rapport aux intérêts collectifs de ses membres. Par exemple, un syndicat pourra, à son initiative, modifier une lettre d'entente en réduisant le rang d'ancienneté d'un salarié si celle-ci contient une erreur selon la convention collective, et cette démarche ne sera pas nécessairement qualifiée de discriminatoire ou d'arbitraire.

En outre, le syndicat doit tenir compte des chances de succès du grief. Ainsi, un syndicat n'est pas tenu de réclamer un droit qu'un salarié croit détenir en vertu de la convention collective s'il estime, après une analyse sérieuse, que le grief est voué à l'échec.
 

Devoir de collaboration du salarié

En contrepartie de l'obligation de juste représentation du syndicat, le salarié a également l'obligation de collaborer avec lui. Son attitude sera donc prise en compte par le TAT. En effet, on peut difficilement blâmer son syndicat si celui-ci ne connaît pas clairement notre position et nos intentions.

Pour plus d'informations relativement à la procédure à suivre afin de déposer une plainte à l'égard de votre syndicat, je vous invite à consulter le site Internet du TAT à cet égard.

Références

  • Bah c. Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 501 (T.A.T., 2020-10-02), 2020 QCTAT 3523, SOQUIJ AZ-51712512.
  • De Chatigny c. Syndicat lavallois des employés de soutien scolaire (SLESS-CSQ), (T.A.T., 2021-10-19), 2021 QCTAT 4969, SOQUIJ AZ-51802256, 2022EXPT-407.
  • Pariseau c. Syndicat des travailleuses(eurs) des centres de la petite enfance de Montréal et Laval - CSN (A.T., 2021-05-20), 2021 QCTAT 2476, SOQUIJ AZ-51768213, 2021EXPT-1263.
  • El Alaoui Cherifi c. Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale-CSN (STT du CIUSSS-CN-CSN), (T.A.T., 2021-11-03), 2021 QCTAT 5236, SOQUIJ AZ-51806103, 2022EXPT-585.
  • Murwanashyaka c. Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal-CSN (T.A.T., 2021-07-20), 2021 QCTAT 3566, SOQUIJ AZ-51782012, 2022EXPT-53.
  • Diamond c. Union des employés et des employées de service, section locale800 (T.A.T., 2021-05-28), 2021 QCTAT 2594, SOQUIJ AZ-51769760, 2021EXPT-1589.
  • Murat c. Syndicat des métallos, section locale 8922 (T.A.T., 2021-10-06), 2021 QCTAT 4789, SOQUIJ AZ-51799178, 2021EXPT-1958.
  • Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon (C.S. Can., 1984-06-07), SOQUIJ AZ-84111028, J.E. 84-489, D.T.E. 84T-470, [1984] 1 R.C.S. 509.
  • L'Espérance c. APTS - Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (T.A.T., 2021-09-13), 2021 QCTAT 4966, SOQUIJ AZ-51802253, 2022EXPT-282.
  • Ledoux c. Syndicat du transport de Montréal (CSN), (T.A.T., 2021-11-09), 2021 QCTAT 5346, SOQUIJ AZ-51807669, 2022EXPT-643.
  • Vigeant c. Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), (C.A., 2008-01-29), 2008 QCCA 163, SOQUIJ AZ-50468461, J.E. 2008-345, D.T.E. 2008T-121, [2008] R.J.D.T. 44.

Pour plus d'information

MeAmélie Pilon

MeAmélie Pilon
Conseillère juridique

Diplômée en droit de l'Université de Montréal et membre du Barreau du Québec depuis mars 2010, Me Amélie Pilon a commencé sa carrière au Centre communautaire juridique de Montréal, où elle a exercé le droit criminel en tant qu'avocate de la défense. Elle a par la suite poursuivi sa pratique en cabinet privé. Elle est entrée en 2017 au service de SOQUIJ, d'abord en tant que conseillère juridique spécialisée en droit criminel et en déontologie policière, puis en droit des lésions professionnelles. De plus, elle prépare et présente des formations thématiques en droit et est l'auteure d'articles publiés dans le Blogue.