À certaines conditions, l'accident qui survient à un travailleur à son arrivée sur les lieux du travail ou à son départ de ceux-ci est généralement reconnu comme étant survenu «à l'occasion du travail».
Ces conditions sont les suivantes :
- L'événement doit survenir dans un délai raisonnable du début ou de la fin du quart de travail, de la période de repas ou de la pause;
- L'événement doit survenir sur les voies d'accès usuelles ou tolérées par l'employeur;
- L'activité d'arrivée ou de départ ne doit pas avoir été interrompue par une activité relevant de la sphère personnelle du travailleur.
Dans une décision récente, bien que le travailleur ait chuté sur une voie d'accès alors qu'il revenait de sa pause, il n'a pas été reconnu que cet accident était survenu «à l'occasion du travail» puisque celui-ci était en train de consulter son téléphone cellulaire.
Les faits
Le travailleur occupe un poste d'opérateur de monte-charge. Alors qu'il revenait de sa pause, il a heurté un poteau soutenant un cendrier qui se trouvait devant l'entrée principale de l'établissement de l'employeur. Un diagnostic de fracture et de luxation du deuxième doigt de la main gauche a été posé chez lui. La CNESST et l'instance de révision ont conclu que le travailleur avait subi une lésion professionnelle. Le Tribunal administratif du travail n'a pas été de cet avis.
La décision
La question en litige consistait à déterminer si l'événement imprévu et soudain ayant occasionné la blessure était survenu «à l'occasion du travail».
Appliquant les critères généralement reconnus par la jurisprudence pour décider de cette question, la juge administrative a retenu que l'événement était survenu sur les lieux du travail, que le travailleur était rémunéré, mais qu'il n'existait pas de lien de subordination à ce moment-là.
Après avoir mentionné que la finalité de l'activité exercée constituait l'un des critères de la plus grande importance, la juge administrative a conclu que la chute du travailleur n'avait rien à voir avec ses tâches d'opérateur de monte-charge. De plus, elle a mentionné que c'est dans ce critère que la question de la crédibilité du travailleur s'imposait.
[45] De façon contemporaine, le travailleur allègue à son supérieur immédiat qu'il cherchait ses clés. Puis, [ ] il allègue un moment d'inattention alors qu'il cherchait sa carte magnétique. C'est cette version que le travailleur soutient initialement dans le cadre de son témoignage. Il dit chercher sa carte magnétique dans ses pantalons et c'est là qu'il aurait été inattentif.
[46] Par contre, après avoir visionné les extraits des caméras, on voit clairement que le travailleur a un cellulaire en main et qu'il marche tout en regardant l'écran de ce cellulaire. Le travailleur répond ne pas se souvenir s'il avait un cellulaire en main. Cet élément entache grandement la crédibilité du travailleur.
[47] Par ailleurs, tout au long des extraits de film des caméras, on ne voit jamais le travailleur chercher quoi que ce soit dans ses poches. Il est donc difficile de retenir cette version également. De plus, le Tribunal croit difficilement la version du travailleur qui dit avoir un cellulaire seulement pour une utilisation de calendrier ou pour l'heure. La façon qu'a le travailleur de marcher en consultant son écran semble aller au-delà d'une consultation de l'heure. Il ne regarde tout simplement pas devant lui.
[48] Au surplus, tout au long des entretiens du travailleur et des déclarations du travailleur, il a toujours caché l'usage d'un cellulaire.
[49] Le Tribunal croit que lorsque le travailleur marche avec un cellulaire en main, bien qu'il s'agisse d'une activité de trajet, il n'en demeure pas moins qu'à ce moment précis, le travailleur est dans sa sphère personnelle
En ce qui concerne le caractère de connexité ou d'utilité relative de l'activité au regard de l'accomplissement du travail, la juge administrative a conclu :
[51] De l'avis du Tribunal, l'activité de consulter son cellulaire transforme le risque en un risque qui relève de la sphère personnelle du travailleur, et ce, bien que les lieux appartiennent à l'employeur, que le stationnement soit mis à la disposition des employés et que l'employeur s'occupe de la sécurité et de l'entretien du trottoir menant la porte d'entrée.
À ma connaissance, jamais le TAT n'avait eu à se prononcer dans un contexte comme celui en l'espèce. Il aura certainement la chance de se prononcer de nouveau, le téléphone cellulaire faisant maintenant partie intégrante de nos vies.
Références
Groupe Jean Coutu (PJC) inc. et Béliveau (T.A.T., 2018-01-25), 2018 QCTAT 480, SOQUIJ AZ-51463759. À la date de diffusion, la décision n'avait pas fait l'objet de pourvoi en contrôle judiciaire.