Dans l’affaire Blackwell et Sakkal c. ville de Barkmere, la Cour d’appel du Québec a renversé un jugement de la Cour supérieure par laquelle une requête introductive d’instance pour l’émission d’un mandamus avait été rejetée.
À l’automne 2007, Monsieur Blackwell écrit une lettre au maire de la municipalité lui demandant une autorisation à construire un accès véhiculaire. Cet accès doit relier les propriétés des deux appelants à un chemin public. Cet accès véhiculaire utiliserait une propriété voisine, mais pour laquelle les appelants détiennent une servitude. Le même jour, les appelants envoient une demande au ministère des Ressources naturelles et de la Faune concernant le projet de construction de l’accès véhiculaire puisque celui-ci devra passer aussi sur certains terrains appartenant à l’État.
En octobre 2007, les représentants de la ville de Barkmere avaient accepté de considérer la demande de construction d’un accès véhiculaire. Ces derniers avaient alors requis des documents additionnels de la part des appelants et ont demandé un report de l’examen du dossier de manière à compléter une évaluation environnementale du bassin versant à cet endroit.
Bien qu’un débat important avait cours dans la population quant à l’opportunité de construire de nouveaux chemins, les représentants de la municipalité indiquent aux appelants que leur demande fait l’objet d’une étude. Les discussions relativement à la réglementation des accès véhiculaires et des routes sur le territoire de la ville se poursuivent alors et le conseil municipal décide donc d’adopter divers règlements visant l’établissement d’un moratoire sur les allées véhiculaires et sur les chemins jusqu’à ce qu’une nouvelle réglementation soit établie quant aux normes de construction applicables pour de tels projets.
Subséquemment à l’adoption de ces règlements, la municipalité considère que la demande de permis pour la construction d’un accès véhiculaire n’est pas conforme aux exigences du règlement municipal. En effet, la demande de permis est refusée pour le motif que les propriétés des appelants ne bordent aucune route tout comme le lot voisin sur lequel ils bénéficient d’une servitude.
D’autre part, le projet de construction soumis à la municipalité n’est pas conforme à la réglementation municipale qui exige une largeur minimum quant à l’accès véhiculaire. Finalement les droits payables pour l’obtention du permis n’ont jamais été payés par les appelants.
Analysant la définition d’accès véhiculaire, la Cour d’appel vient à la conclusion que rien dans la définition du concept d’accès véhiculaire n’exige que le terrain des appelants soit situé en bordure de l’emprise d’une route. La Cour d’appel considère donc que la municipalité a interprété erronément la notion d’accès véhiculaire tout comme le juge de première instance. Selon la Cour d’appel, les faits et gestes de la municipalité ont fait croire aux appelants que leur demande serait examinée conformément à l’ancienne réglementation qui permettait la réalisation d’un tel projet.
La Cour d’appel conclut finalement que la procédure d’émission d’un permis de construction est en fait un pouvoir lié, c’est-à-dire que dans la mesure où les conditions établies par la règlementation sont accomplies, le droit d’obtenir son permis prend naissance immédiatement.
La Cour considère que n’eut été de l’interprétation donnée à la définition d’accès véhiculaire, les appelants avaient acquis, sous réserve de remplir les autres conditions, la servitude d’obtenir le permis demandé et c’est la raison pour laquelle ils ont engagé des frais et des démarches en vue de rencontrer les exigences de la ville.
Dans une habile acrobatie juridique, la Cour d’appel reconnaît cependant que les appelants ne peuvent obtenir gain de cause sur la requête visant l’obtention du permis par le biais d’un mandamus. La Cour déclare plutôt que les appelants ont droit au permis de construction de l’accès véhiculaire conformément à la réglementation municipale qui était applicable en 2007 dans la mesure où ces derniers déposent une demande de permis et paie les droits exigibles dans un délai de neuf mois à compter du jugement rendu par la Cour d’appel.
Nous sommes d’avis qu’il s’agit là d’une décision qui permet sans aucun doute de rétablir une iniquité envers les appelants, mais qui d’un point de vue juridique pose des questions sérieuses quant à la possibilité d’invoquer le fait qu’une promesse avait été faite par la municipalité aux fins d’obtenir le permis de construction en question sur la base de la théorie de l’expectative légitime.