Dans un nouveau classement de l'IEDM portant sur les déterminants de la mobilité sociale - c'est-à-dire la capacité de gravir l'échelle socio-économique - aucune province canadienne n'a obtenu un score égal ou supérieur à 60 pour cent.
« La mobilité sociale, c'est ce qui fait la différence entre la capacité de gravir l'échelle des revenus et le fait de rester prisonnier d'une pauvreté héritée », explique Justin Callais, chercheur associé à l'IEDM, économiste en chef à l'Archbridge Institute et coauteur du rapport. « Si certains obstacles n'ont pas de lien direct avec les politiques gouvernementales, beaucoup en ont, et nous espérons que les gouvernements se serviront de ce classement pour améliorer leur score. »
Le chercheur explique que les obstacles à la mobilité sociale peuvent être divisés en deux catégories : les obstacles dits naturels et les obstacles dits artificiels.
Les obstacles naturels peuvent être considérés comme structurels ou hérités, comme le manque de capital social ou la pauvreté infantile. Même si les gouvernements peuvent jouer un rôle dans leur limitation ou leur aggravation, celui-ci demeure indirect.
Les obstacles artificiels découlent directement des politiques et interventions de l'État, comme la certification professionnelle obligatoire, la qualité de l'éducation, le libre choix de l'école ou la fiscalité.
Le think tank renvoie à une de ses publications antérieures sur la certification dans le secteur de la construction au Québec. Les travailleurs doivent y suivre une formation de plusieurs mois et obtenir une licence du gouvernement pour exercer certains métiers, dont 13 pour lesquels seul le Québec impose une certification, comme peintre ou charpentier.
« Par ce système, le gouvernement accroît le coût d'opportunité pour les travailleurs potentiels dans des métiers comme celui de peintre ou de charpentier, par exemple », explique Renaud Brossard, vice-président aux communications à l'IEDM. « Il ne s'agit, bien sûr, que d'un exemple parmi d'autres, provenant d'une seule province. Chaque fois que les gouvernements réduisent ainsi les possibilités offertes aux travailleurs, ils leur compliquent l'ascension d'un échelon supplémentaire sur l'échelle des revenus. »
Autre exemple : l'effet que peuvent avoir des impôts élevés en réduisant l'accumulation de capital. Les chercheurs soulignent que cela limite la capacité des individus à créer de nouvelles entreprises, à investir dans l'éducation de leurs enfants ou à tirer pleinement parti des formations qu'ils pourraient suivre.
En se basant sur des dizaines d'indicateurs différents - comme la certification professionnelle, la réglementation des entreprises, les taux d'imposition, la qualité des écoles et l'inégalité des revenus - les chercheurs ont établi un mécanisme de pondération pour évaluer dans quelle mesure les provinces favorisent la mobilité du revenu, 0 représentant le score le plus bas et 100 le plus élevé.
Une pénalité a également été appliquée aux provinces présentant de forts déséquilibres entre les différents indicateurs.
Voici le classement des différentes provinces canadiennes, ainsi que certains domaines clés sur lesquels les gouvernements devraient agir pour lever les obstacles artificiels et améliorer la mobilité sociale.
- Alberta (57,4 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, l'Alberta obtient de faibles résultats pour la certification professionnelle et les expropriations réglementaires. Si elle atteignait le score maximal dans ces domaines, son score global dépasserait 64 pour cent.
- Colombie-Britannique (52,7 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, la Colombie-Britannique obtient de mauvais résultats pour la réglementation du logement et de la construction. Si elle atteignait le score maximal dans ces domaines, son score global dépasserait celui de l'Alberta.
- Nouvelle-Écosse (50,0 pour cent) : La Nouvelle-Écosse présente la deuxième plus forte pénalité liée au déséquilibre entre les indicateurs. En matière d'obstacles artificiels, les principaux points d'amélioration concernent la fiscalité.
- Manitoba (47,4 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, les principaux points d'amélioration pour le Manitoba concernent la fiscalité.
- Ontario (46,9 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, l'Ontario pourrait surtout progresser en ce qui concerne la réglementation des entreprises, du logement et de la construction. S'il atteignait le maximum dans ces domaines, son score global dépasserait celui de l'Alberta.
- Saskatchewan (46,9 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, les principaux points d'amélioration pour la Saskatchewan concernent la fiscalité.
- Île-du-Prince-Édouard (46,6 pour cent) : L'Île-du-Prince-Édouard est la province qui présente la pénalité la plus élevée liée au déséquilibre entre les indicateurs. En matière d'obstacles artificiels, les principaux points d'amélioration concernent la fiscalité et la réglementation de l'utilisation des sols.
- Nouveau-Brunswick (44,3 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, les points d'amélioration pour le Nouveau-Brunswick concernent la fiscalité ainsi que la réglementation du logement et de la construction.
- Terre-Neuve-et-Labrador (41,3 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, les principaux points d'amélioration pour Terre-Neuve-et-Labrador concernent la fiscalité ainsi que la réglementation du logement et de la construction.
- Québec (39,7 pour cent) : En matière d'obstacles artificiels, les principaux points d'amélioration pour le Québec concernent la réglementation du logement et de la construction ainsi que la fiscalité.
« Le fait qu'aucune province canadienne n'atteigne un score de 60 pour cent ou plus met en lumière un constat accablant : celui des dérives causées par un enchevêtrement de règlements qui figent la société et empêchent tant de personnes d'améliorer leur situation », ajoute M. Brossard. « Les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à juste titre à voir leurs efforts récompensés. Les politiques gouvernementales ne devraient pas leur mettre des bâtons dans les roues. »